La versification
I. DEFINITION
La versification est l'ensemble des techniques utilisées pour écrire un poème ; elle n'est pas obligatoirement synonyme de poésie : la poésie est un art qui s'efforce de toucher la sensibilité du lecteur, comme son imagination, essentiellement par un travail sur la forme (musicalité, métaphores...). Elle a toujours été considérée comme un langage à part, un langage sacré, mais elle n'est pas obligatoirement versifiée.
A l'origine, (Antiquité, Moyen Age), la poésie est un chant généralement accompagné de la lyre, (de là, le terme de lyrisme) Ensuite, elle s'est déclamée. De nos jours, elle est surtout lue. A chacune de ces étapes a correspondu une évolution de la poésie (Apollinaire, et ses Calligrammes).
Jusqu'au XIXe siècle, la poésie est fortement codifiée. Elle suit de façon obligatoire les règles de "La Pléiade", mais surtout de Malherbe, inspiré de la Poétique d'Aristote (philosophe grec), et de Boileau qui s'est contenté de reprendre les règles de Malherbe. Après le XIXe siècle, surtout avec Rimbaud, considéré comme le père de la poésie moderne, les règles seront peu à peu oubliées.
II. LA STRUCTURE DES VERS
A. Le décompte des syllabes (des "pieds")
1. Le problème du "e" muet
a) Le "e" muet ne se compte dans le nombre de syllabes que s'il est suivi, à l'intérieur du vers, par une consonne ; on ne le compte jamais s'il est suivi par une voyelle, ou s'il est à la fin du vers.
2. Diérèse, synérèse
a) On fait une "diérèse" lorsque l'on prononce de façon séparée les deux termes d'une diphtongue (en français, le plus souvent, une diphtongue est l'adjonction d'une semi-consonne et d'une voyelle).
Exemple : A FeK Si jô
A ffec ti on
1 2 3 4 syllabes
b) La "synérèse", c'est le fait de prononcer les deux termes de la diphtongue dans une seule syllabe.
Exemple : A FeK Sjô
A ffec tion
1 2 3 syllabes
3. Les liaisons
Ne pas oublier de les prononcer.
B. La rime
1. Définition
a) C'est un élément sonore du rythme qui ponctue la fin de chaque vers et provoque des échos entre deux ou plusieurs vers.
b) Une rime intérieure, c'est le fait de reproduire le même son au milieu du vers et à la fin.
2. Disposition des rimes
a) Alternance obligatoire entre rimes féminines et masculines. La rime féminine se termine toujours par un "e" muet, les autres rimes sont des rimes masculines.
b) Les différents groupes de rimes :
* Embrassées: ABBA
* Croisées: ABAB
* Suivies ou plates : AABB
3. Les qualités de la rime
a) Les différents degrés de richesse des rimes :
* Rime pauvre : un seul son est repris dans deux vers
* Rime suffisante : deux sons se correspondent dans la rime.
* Rime riche : elle fait coïncider au moins trois sons.
b) Rimes mauvaises et bonnes rimes :
Une rime est mauvaise quand elle est trop facile ; il est théoriquement interdit de faire rimer deux verbes conjugués ("chantions", "dansions"), deux adverbes en "-ment".
c) Les rimes doivent être en accord avec l'orthographe : il est interdit de faire rimer singulier et pluriel,
C. La musicalité
L'analyse de la versification, des effets sonores, des effets rythmiques constituent l'étude de la musicalité. Cette étude est primordiale quand on lit des textes littéraires et pas seulement de genre poétique. Un écrivain est avant tout un amoureux des mots, pour leur "physionomie" dirait Valéry.
1. Les effets sonores (concernent aussi la prose)
a) Les allitérations
C'est le fait de répéter la même consonne.
b) Les assonances
C'est le fait de répéter la même voyelle.
c) Les échos sonores
On reprend des syllabes entières : assonances + allitérations
2. Les effets rythmiques (concernent aussi la prose)
Il est déterminé par le nombre de syllabes dans le vers, la longueur des phrases, la césure, la place et le nombre de coupes, par l'accentuation, la ponctuation, les répétitions, les éventuelles énumérations (binaires, ternaires, etc.), les rejets et enjambements, les parallélismes, les chiasmes, les rythme croissant ou décroissant
a) La césure : les vers traditionnels sont en général construits en deux versants séparés par une pause : c'est la césure. Dans les grands vers, cette pause a une place déterminée et sépare le vers en deux "hémistiches".
b) Les coupes sont les pauses secondaires dans le vers.
c) Les accents :
L'accentuation correspond à l'intonation des mots, à l'insistance sur une ou plusieurs syllabes. (L'accent tonique existe en français comme en anglais et d'autres langues...)
d) La versification et la syntaxe
D'après le schéma du vers primitif, la fin du vers coïncide avec un arrêt dans la syntaxe, de sorte que l'on s'arrête naturellement à la fin de chaque vers à cause du sens. Toutefois, il existe des modulations à cette loi :
- Le rejet
Vers 1 : -----------------------
Vers 2 : -----/-----------------
-Le contre-rejet
Vers 1----------------/----
Vers 2 --------------------
- L'enjambement
Vers 1 : --------------/--------
Vers 2 : -----------------------
TABLEAU POUR L'ANALYSE DE LA MUSICALITE
EFFETS RYTHMIQUES
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EFFETS SONORES |
(binaire, ternaire...)
|
|
Les répétitions (dont les anaphores) jouent un rôle à la fois rythmique et sonore.
III. LES DIFFERENTES SORTES DE VERS
A. Les vers pairs, mètres majeurs de la poésie traditionnelle
1. L'octosyllabe
C'est un vers de huit syllabes, le plus ancien de la poésie française.
2. Le décasyllabe
Vers de dix syllabes. La césure se trouve obligatoirement, soit après la 4° syllabe, soit après la 6°, forcément entre deux mots.
3. L'hexasyllabe
Vers de six syllabes (beaucoup moins fréquent).
4. L'alexandrin
C'est un vers de douze syllabes. La césure se trouve obligatoirement après la 6° syllabe, partageant le vers en deux hémistiches.
L'alexandrin est né au XIIe siècle, et prend son nom au XVe siècle, car il fut utilisé dans le Roman d'Alexandre. A partir du XVIe siècle, il devient le plus grand vers français, utilisé dans les genres nobles (épopée, tragédie).
B. Les vers impairs
Ils existent dès le XVIe siècle et au XVIIe siècle dans les genres légers (Fables et Contes de J. de La Fontaine). Mais ils sont surtout utilisés au XIXe siècle avec la poésie de Verlaine et des Symbolistes. Cf. "Art Poétique" de Verlaine :
"De la musique avant toute chose
Et pour cela préfère l'Impair" (9 syllabes).
Heptasyllabe : vers de 7 syllabes.
C. Les vers COURTS
Ce sont des vers au-dessous de six syllabes. Au dessous de cinq syllabes (quintasyllabes, pentasyllabes) ils sont rarement utilisés seuls.
Exception : "L'Automne" de Verlaine
« Les sanglots longs (4)
Des vi-olons (diérèse): (4)
De l'automne (3)
Blessent mon coeur (4)
D'une langueur (4)
Monotone » (3)
IV. LES GROUPES DE VERS
A. Les strophes
1. Deux vers distique
2. Trois vers tercet
3. Quatre vers quatrain
4. Cinq vers quintile
5. Six vers sizain
6. Dix vers dizain
B. Les poèmes à forme fixe
Ce sont les poèmes dont la structure est déterminée et figée.
1. Lai, Virelai, Rondeau, Ballade
Ce sont des genres utilisés au Moyen Age, aux règles strictes mais ils seront rapidement abandonnés.
2. Le sonnet
Utilisé depuis la Renaissance, il est composé de deux quatrains et de deux tercets aux rimes obligatoirement disposées ainsi :
1er quatrain |
2nd quatrain |
1er tercet |
2nd tercet |
Ou 2nd tercet |
A |
A |
C |
E |
E |
B |
B |
C |
E |
D |
B |
B |
D |
D |
E |
A |
A |
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V. LA VERSIFICATION DANS LA POESIE MODERNE
A. Le vers traditionnel
Il continue d'être utilisé, mais les règles sont assouplies. Exemple : Valery, qui parlait de "règles exquises" ; Aragon, après la période surréaliste. |
B. Le vers libre
Il ne suit pas les règles de versification dans le nombre de syllabes, comme dans le système de rimes ; il est généralement court et témoigne d'une attention particulière à la forme (effets sonores et rythmiques, accentuation). Cf. les Innocentines, de R. de Obaldia.
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C. Le verset
C'est au départ la forme utilisée pour les livres sacrés (Bible, Coran, Thora). Au XXe siècle, certains auteurs la remettront à l'honneur, en particulier Gide et Claudel, pour produire des textes très déclamatoires. Le verset tient de la prose et du vers ; il associe le paragraphe à des membres de phrases très courts, quelquefois réduits à un mot.
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D. Le poème en prose
Certains passages de romans peuvent quelquefois être assimilés à de véritables poèmes en prose. (Voir Colette, Chateaubriand). Baudelaire : Petits poèmes en Prose.
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